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L'étrange destin du château de Bonnivet

Publié le par Valérie

Le château de Bonnivet en Poitou fut construit par Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, grand amiral de France, favori de François Ier, frère cadet d’Arthus Gouffier (grand maître de France, qui a commencé la construction du château d’Oiron). Jean Bouchet nous dit "que le château de Bonnivet était l’un des plus somptueux du royaume de France" et Brantôme "qu’il était le plus superbe édifice qui soit en France s’il était achevé selon son dessein".

Bonnivet est à 16 kilomètres au nord de Poitiers et à 2 kilomètres à l’est de Vendeuvre. L’amiral était seigneur de Bonnivet ; le connétable de Bourbon était duc de Châtellerault. Les 2 terres se touchaient. En construisant ce château fastueux et splendide, Guillaume Gouffier eut pour but d’exaspérer son puissant voisin qui lui avait fait sentir le mépris dans lequel il le tenait et qu’il savait détesté par le roi et sa mère.  

 

Gouffier (1513-1622)

La construction fut interrompue par la mort de l’amiral, en 1525. Ne voulant pas survivre au désastre de Pavie, dont il était un des principaux auteurs, il leva la visière de son casque, se jeta dans la mêlée et se fit tuer. Ses descendants se désintéressent du château qu’il leur laisse inachevé. Ils passent d’ailleurs la plus grande partie de leur vie sur tous les champs de bataille. Enfin, son arrière-petit-fils, Henri-Marc, échange en 1622 la terre et le château de Bonnivet à Aymé de Rochechouart contre la châtellenie de Fougerolles près de Remiremont et d’autres domaines en Bourgogne.

 

Rochechouart-Mesgrigny (1622-1712)

En 1644, Aymé de Rochechouart donne le marquisat de Bonnivet en dot à sa petite-fille Eléonore à l’occasion de son mariage avec Jacques de Mesgrigny. Ce sont eux qui de 1649 à 1672 vont restaurer, orner, et achever le château. Il dut être alors une splendide et princière demeure. La tradition veut que ce soit ce cadre que Perrault ait choisi pour y placer son conte du Chat Botté. Le château de l’Ogre, que grâce à sa ruse il donne à son maître, serait Bonnivet ; les vastes propriétés qu’il lui fait attribuer par les faucheurs et les moissonneurs seraient celles des Mesgrigny ; enfin, le nom de Carabas qu’il choisit pour son maître ne serait autre que celui d’une branche des Gouffier, les Gouffier-Caravas.

 

De Chasteigner (1712-1792)

En 1712, leur petite-fille Eléonore épouse Eutrope Alexis de Chasteigner. C’est elle qui, par ce mariage, apporte Bonnivet dans la famille des Chasteigner qui vont en être les derniers possesseurs. Eléonore de Chasteigner survécut à son mari, à ses enfants, à son gendre, et mourut en 1784, âgée de 97 ans, ne laissant après elle que 6 de ses petits-enfants. Dans les partages de sa succession, Bonnivet échoit à Charles-Louis de Chasteigner, le plus jeune. Sa part d’héritage est estimée sur les actes un million de francs environ. Incapable de restaurer le château, et même de l’entretenir, il le vend à un nommé Curieux à condition de le démolir.

En 1792, Charles-Louis de Chasteigner émigre. En 1795, ses biens sont vendus comme biens d’émigré. Curieux se fait adjuger aux enchères l’emplacement du château de Bonnivet. La démolition avança lentement. Au début, elle est purement utilitaire. On profite de cette merveilleuse carrière de pierres toutes taillées, et de ces bois d’ouvrage secs et équarris pour construire et réparer à bon marché. Ce n’est que plus tard que quelques hommes de goût sauvèrent de la destruction les fragments qui se trouvent aujourd’hui dans nos musées. L’abbé Gibault, conservateur de la bibliothèque de Poitiers, fut un des premiers. Jusqu’à sa retraite en 1830, il donne au musée de la ville la presque totalité des sculptures qui font de ce musée le plus riche en fragments venant de Bonnivet.

Peu à peu d’ailleurs, le goût s’affine, se répand. La Société des Antiquaires de l’Ouest, fondée en 1834, y aide et y contribue. Quelques-uns de ses membres vont sauver les sculptures éparses et achètent dans les démolitions du château non plus des matériaux à bâtir, mais des fragments de sculptures sur pierres ou sur bois pour le bonheur délicat de les admirer chaque jour, ou pour les offrir aux musées de la Société, où l’on peut encore aujourd’hui les étudier et les admirer. Enfin, quelques fragments quittent la province pour aller enrichir les grands musées de Paris : Cluny en achète 35 fragments en 1913, le Louvre, 3 en 1906.

Aujourd’hui, il n’existe plus rien de Bonnivet ; quelques soubassements de murs percés et recouverts de ronces et d’épines. A peine peut-on découvrir l’emplacement de ce château qui a été un des plus fastueux de la France.

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